Anti-Terrorisme

Dès 1988, les responsables de l’ex FIS à Constantine avaient saisi l’importance et le poids du syndicat, particulièrement l’influence de A.Benhamouda sur les travailleurs. Leurs premières approches étaient des tentatives destinées à l’amadouer et l’intégrer dans leurs rangs (les invitations à leurs rencontres : invitation FIS). Les réticences et refus de A.Benhamouda les poussèrent à changer de méthodes : campagne de désinformation au sein de toutes les mosquées de la ville, propagation de rumeurs mensongères et calomnies l’atteignant lui et sa famille dans leur dignité.

Les pressions augmentèrent et passèrent à l’étape de menaces puis à celles d’agressions physiques, l’empêchant même et a plusieurs reprises d’accéder aux mosquées pour les prières et cérémonies religieuse, en témoignent les échauffourées qui ont eu lieu au sein de la mosquée ECHENTLI.

Son élection à la tête de la centrale syndicale en juin 1990 accentua la haine de la mouvance intégriste contre lui. Haine qui atteignit son summum avec l’échec de la grève de l’ex SIT (Syndicat islamique du travail) en avril 1991, échec auquel A.Benhamouda n’était pas étranger (La Semaine grève SIT 1991).

Il fit face à l’appel de l’ex FIS à la grève générale insurrectionnelle ayant pour plateforme de revendications : abrogation de la loi électorale, rejet du découpage électoral et tenue d’élection présidentielle anticipée. A.Benhamouda appela à la vigilance face aux pressions qui devaient aboutir, selon lui, à permettre au leader de l’ex FIS d’accéder au trône de la présidence, et cela sur le dos des travailleurs : cette grève peut nous conduire vers l’inconnu disait A.Benhamouda. Dès cet instant il devint l’homme des choix difficiles, sans compromis ni compromissions. La suite des évènements lui donnera raison, pouvions nous lire sur les colonnes du quotidien El Moudjahid.

Son nom est vite fiché en tête de listes des personnes à abattre : listes qui furent placardées sur les murs des mosquées.

A partir de Mai 1991, les agressions se multipliaient contre A.Benhamouda par les fanatiques de « l’état intégriste », il fut pris à partie à Hussein Dey et à la place du premier mai à sa descente de voiture, si ce n’était l’intervention de quelques travailleurs, il aurait été lynché.

Entre les deux tours du scrutin législatif de décembre 1991, près de son domicile à Garidi, accompagné de sa famille A.Benhamouda fut interpellé par un groupe « d’Afghan d’Algérie » lui promettant la pendaison sur la place publique dès le second tour. Comprenant l’ampleur du danger qui guettait le pays, il s’engagea définitivement pour barrer la route aux terroristes en appelant à la création de la plus grande formation anti ex FIS: le Comité National de la Sauvegarde de l’Algérie.

Au lendemain du premier tour des élections législatives du 26 Décembre 1991, souillé d’irrégularités et marqué par une abstention record, où l’ex-FIS réussit à rafler la majorité des sièges de l’APN. Les extrémistes et intégristes multiplièrent leurs menaces à l’égard des démocrates qu’ils qualifiaient de kouffar, et des femmes.

A.Benhamouda ne pouvait rester les bras croisés. L’Algérie était menacée, tant dans la pérennité du processus démocratique dans lequel elle s’était engagée, que dans les fondements même de la république.
La création du Conseil National de Sauvegarde de l’Algérie (CNSA) en décembre 1991 par A.Benhamouda, en sa qualité de leader de la puissante UGTA avec d’autres patriotes, à l’image des défunts Abdelhafidh Sanhadri (pour l’ANCAP) et Mohamed Benmansour (pour l’UNEP), sera le prélude à son opposition farouche et inébranlable au projet despotique du mouvement intégriste.
Le CNSA regroupait, autour de l’UGTA, des organisations patronales, des cadres de l’administration, et des personnalités de la société civile soutenus par deux partis politiques : Ettahadi et le RCD. Ainsi, en regroupant les partis, organisations et personnalités hostiles au projet obscurantiste, le CNSA sous la présidence de A.Benhamouda, constituera un pôle de convergence, véritable réceptacle des aspirations et des préoccupations du monde du travail et de larges franges de la société, contre l’avènement d’une république théocratique et confortant la légitimité populaire pour l’arrêt du processus électoral.

Dans l’appel officialisant sa naissance, le CNSA a constaté la crise dans laquelle le pays avait été consciemment plongé, Il estimait que le processus démocratique était en péril et remettait en cause les plans véritables du FIS : « qui a un Madjless Echoura clandestin qui se réunit clandestinement en période démocratique ? Qui a déclaré publiquement qu’il allait mettre fin à la démocratie ? qui a assassiné les enfants du peuple gardiens de nos frontières ? Qui a déclaré qu’il est prêt à remplacer les algériens par des cadres non algériens mais musulmans ? Qui a bénéficié de financements occultes en dinars et en devises ? … » le texte intégral du communiqué en question peut être consulté sur ce lien. (Text intégral du 1er communiqué CNSA)

Peu de temps après, dans une lettre adressée au président du Conseil Constitutionnel, A.Benhamouda a écrit au nom du CNSA, pour lui demander, preuve à l’appui, de déclarer la nullité des élections (le texte intégral peut être lu ici – Lettre au Conseil Constitutionnel): « …de ce qui précède, et nonobstant de multiples autres griefs susceptibles d’être émis, il est manifestement établi :

  • Que les articles 6, 28, 36, 47, 95 de la constitution du 23 Février 1989 ont été violés.
  • Que les dispositions de la loi électorale 91-17, relative à l’organisation et au déroulement des opérations de vote n’ont pas été respectées.
  • Que les conditions du décret portant convocation du corps électoral ont été violées à l’échelon national de façon caractérisée en ce que :
    • Une grande partie du corps électoral n’a pas été convoquée.
    • Une autre partie importante de ce corps disposant de cartes électorales n’a pu exercer son droit de vote car ne figurant pas sur les listes électorales.
    • D’innombrables citoyennes et citoyens ayant, déjà, à l’occasion du scrutin du 12/06/1990 exercé leur droit de vote n’ont pu le faire le 26 Décembre 1991, leur nom ayant disparu des listes électorales remises aux bureaux de vote.

Ainsi, et conformément aux dispositions de l’article 153 de la constitution donnant compétence au Conseil constitutionnel de veiller au respect de la constitution et de veiller à la régularité des opérations des élections législatives, constater, voir, dire et juger que les élections du 26 Décembre 1991 sont entachées de nullité absolue et, en conséquence, ordonner leur annulation. »

L’appel lancé par le CNSA avait rencontré un large écho à travers le territoire national, il y a eu en effet des demandes multiples d’adhésion (Voir exemple d’une demande d’adhésion), malgré certaines critiques et attaques violentes destinées à créer l’amalgame entre l’arrêt du processus électoral (pour des raisons valables notamment la violation de la constitution et les dépassements graves dans les urnes) et l’arrêt du processus démocratique. Attachés aux valeurs démocratiques et républicaines dont le pluralisme est l’une des conditions essentielles, A.Benhamouda et ses amis appelaient justement à sauvegarder le processus démocratique en barrant la route aux forces obscurantistes, dont l’idéologie était totalement incompatible avec la démocratie.

 

Il ne cessera de réaffirmer que le CNSA est un mouvement libre des forces vives du pays, sans tutelle politique ou administrative. Il fera l’objet également de pressions et de menaces visant à le déstabiliser et à le discréditer. Mais peine perdue, le CNSA deviendra un véritable bouclier contre ceux qui visaient à saper les fondements de l’Algérie.

Il constata et attira l’attention de l’opinion publique sur certains partis politiques, qui non seulement choisissaient de ne pas dénoncer les actes de terrorisme, mais participaient implicitement aux appels lancés à destination des institutions internationales pour bloquer les négociations entamées avec les autorités algériennes.

Dans son ouvrage ‘l’Algérie Dévoilée’ (page 100), Véronique Taveau rapporte le témoignage de Madame Veuve Boudiaf au sujet de la rencontre qui a eu lieu entre son défunt mari et A.Benhamouda : « Le lendemain matin il était dans cette maison, ici à Alger, là où nous sommes en ce moment. C’est dans ce salon qu’il a rencontré les personnalités les plus importantes du pays, parmi elles A.Benhamouda. Et c’est A.Benhamouda qui l’a convaincu. Lui seul et pas les autres. A.Benhamouda, le dirigeant de l’UGTA, la grande centrale syndicale, qui a été à son tour assassiné quatre ans plus tard. »

Dans un communiqué publié suite à l’installation du Haut Comité d’état en Janvier 1992 (dont le texte intégral peut être lu ici – 4ème Communique) le CNSA écrit :

« l’institution du Haut Comité d’Etat présidé par une figure emblématique du mouvement national algérien peut être considéré comme un début d’issue à la grave crise politique que connait le pays. La situation du pays affecté par la destructuration profonde de l’économie, de l’administration et des institutions publiques, l’encouragement de la consommation aux lieu et place de l’investissement, le chômage et la paupérisation de larges couches de la société, ont conduit à faire le lit des forces obscurantistes dont la collusion avec une frange du pourvoir est aujourd’hui démontrée….s’il est clair que la crise politique actuelle tire indubitablement ses origines des difficultés économiques du pays…ses causes sont également à rechercher dans la désintégration de la société et la perte de ses valeurs civiques et morales. La société civile est désormais DEBOUT. Elle n’entend plus laisser d’autres parler en son nom surtout quand ils ont failli faire avaliser l’extinction durable des velléités d’expression plurielle dont elle se nourrit, mettant en péril la démocratie naissante et les valeurs républicaines…Notre seul parti, l’ALGERIE. Ce principe rassembleur doit guider tous les patriotes sincères vers la voie qui permettra de dépasser la crise politique actuelle, de mettre résolument sur rails l’économie et de défendre farouchement l’indépendance nationale.

 

Dans ce climat de trouble et suspicion, l’ex FIS crut rentable de porter plainte contre A.Benhamouda et l’avocat Fethallah (assassiné aussi) pour diffamation au sujet d’un article de l’un des communiqués du CNSA. A.Benhamouda a dû répondre aux accusations des intégristes devant le tribunal, « je n’ai dit que ce qu’il fallait dire sur le FIS… C’était de mon devoir de le dire » peut-on lire sur les colonnes du quotidien le Matin. « Son défenseur, maitre Miloud Brahimi, finit par perdre sa retenue devant les harcèlements de la magistrate : ‘savez-vous madame, que c’est grâce à l’homme que vous jugez aujourd’hui que vous jouissez encore de la possibilité d’exercer la fonction de juge dans une Algérie debout ?’ » (L’article en question peut être consulté sur ce lien – Le Matin).

Marches ou meetings, le CNSA soutiendra toute action mobilisatrice de la société civile pour barrer la route à la mouvance intégriste. D’ailleurs, les membres du CNSA durent payer un très lourd tribut pour leur engagement et leur foi en une Algérie démocratique ; un premier attentat cible A.Benhamouda et sa famille devant leur domicile à Jolie Vue, Kouba, le matin d’un 1er Décembre 1992, auquel ils échappèrent par miracle. Quelques semaines plus tard, le 14 mars 1993, son ami et co-fondateur du CNSA Hafid Sanhadri fut assassiné.

    Des photos du premier attentat le 1er Décembre 1992

    Une année sanglante marquée par les assassinats, de multiples actes de violences, d’intimidation et destruction. Au début, les attentats ciblaient les syndicalistes, les journalistes, les représentants des forces de l’ordre et les opposants au retour de l’ex FIS à la scène politique d’une manière générale, mais par la suite toute la population était devenue une cible ainsi que les ressortissants étrangers. Le but étant de semer la terreur parmi les populations, de pousser la société civile à abdiquer, de salir l’image de l’Algérie et de détruire son tissu social et ses infrastructures. Ainsi, le pays fut projeté dans un tourbillon de violence.

    La fin Novembre 1993, la famille de A.Benhamouda fut une nouvelle fois prise pour cible, cette fois, c ‘est son frère Mohamed (ancien Moudjahid) et son cousin Azzedine qui tombèrent sous les balles terroristes dans la laiterie familiale à Constantine. Azzedine décéda immédiatement ; Mohamed succomba à ses blessures quelques jours plus tard. Ici quelques exemples des menaces concrètes qui pesaient sur lui, ses compagnons, et sa famille.

    La centrale syndicale activait sur tous les plans, national et international (lien a son parcours sur l’international), pour barrer la route à l’intégrisme et protéger les valeurs républicaines. Durant ces années, l’Algérie subit un embargo sans précédent ; les meurtres, assassinats, bombes, et autres actes barbares des groupes terroristes n’étaient malheureusement pas condamnés par la communauté internationale, c’était plutôt la thèse du Qui Tue Qui. Les algériens, dans leur lutte, dans leur souffrance, se retrouvèrent isolés.

    Au vu de la recrudescence d’actes terroristes, l’UGTA avait appelé à une manifestation qui deviendra la plus grande jamais organisée en Algérie contre le terrorisme. Ce jour-là, Le 22 Mars 1993, le monde a pu voir et comprendre que les algériens n’acceptaient pas le sort qu’on leur réservait, qu’ils refusaient d’abdiquer, qu’ils étaient tous, hommes, femmes, jeunes, vieux unis contre le terrorisme.

    A.Benhamouda avait foi en ce peuple, foi qui lui donnait la force de continuer son combat, ce jour-là, tous ont pu voir la source de cette foi. Ce jour-là, tous avaient suivi en direct la marche nationale contre le terrorisme.

    Cette dernière débuta de la place des martyrs, pour aboutir à l’esplanade de la maison du peuple, dénommée aujourd’hui ‘maison Abdelhak Benhamouda’, depuis laquelle il compara l’organisation terroriste à l’OAS, connue pour ses assassinats et sa célèbre politique de la terre brulée à l’aube de l’indépendance de l’Algérie

    (Quotidien Horizons 28/01/98)

    . Il rappela aussi que « Cette marche est celle de tout un peuple. Elle n’est ni celle des partis ni des personnes … Le peuple s’est réuni aujourd’hui pour condamner l’assassinat du Djoundi, du gendarme et du policier qui sont tous ses enfants. Il s’est réuni pour dire non à l’assassinat des jeunes qui sont l’avenir du pays et s’exprimer contre l’assassinat de la science et de la culture » (l’authentique).

    Des millions d’Algériennes et d’Algériens avaient bravé la peur et étaient sortis crier leur rejet du terrorisme, pour dire au monde entier que l’Algérie n’était pas en guerre civile, mais qu’elle était en guerre contre un terrorisme barbare.

    Ce jour-là, A.Benhamouda n’avait pas seulement réussi à rassembler et faire sortir les Algérois, mais son appel avait aussi été massivement suivi dans les villes de l’intérieur du pays, notamment sa ville natale Constantine. Toutes les marches contre le terrorisme sur le territoire national se déroulèrent sans incidents, ce fut une réussite sur tous les plans. « L’Algérie d’abord, l’Algérie toujours », c’est ainsi que A.Benhamouda avait conclu son bref discours devant une place du 1er Mai noire de monde (l’authentique).

    De son vivant, A.Benhamouda a toujours eu une position très claire vis-à-vis de l’intégrisme politique et du terrorisme. Il n’a jamais flanché, ni changé de camp, et ceci parce qu’il était issu du peuple et n’avait jamais coupé le contact avec le peuple. Il connaissait la réalité et les dangers des idéologies extrémistes, il comprenait très bien aussi les intérêts et les enjeux derrière ces mouvements intégristes, à l’intérieur mais aussi et surtout à l’extérieur du pays.

    C’est pour cela que A.Benhamouda s’est toujours opposé au dialogue avec les terroristes et au retour de leurs représentants à la scène politique. Dans un communiqué de la centrale syndicale au début de l’année 1994, celle-ci rappelle

    les inquiétudes et la colère du peuple sont sans limites face à une situation dramatique qui laisse clairement apparaitre, sinon le refus, du moins l’incapacité et l’inaptitude de l’Etat a agir de manière efficace, résolue et permanente pour mettre définitivement un terme au génocide programmé du peuple algérien…tout est entrepris, consciemment ou par manque de discernement, pour conduire l’Algérie au chaos et à la guerre civile…. Il existe au sein du Pourvoir et ou sein de la classe politique algérienne des hommes et des forces qui travaillent au pourrissement encore plus grave de la situation, par un silence ouvertement complice, par attentisme ou une démission assimilables a une véritable trahison nationale, et par des reculs, des concessions et des compromissions qui n’obtiendront jamais l’aval du peuple algérien

    (source, Hebdomadaire la Nation Nouvelle No 64).

    Début 1994, au moment où les courants nationalistes et démocrates aboutissaient à une plateforme d’entente nationale, d’autres la boycottèrent et s’allièrent sous la houlette de la communauté catholique de Saint Egidio en Italie ; refusant le dialogue avec les mouvances pacifiques mais tolérant la table ronde avec les intégristes rêvant d’un état islamique, ayant pour seule devise le : Qui Tue Qui ?

    A.Benhamouda n’était pas resté les bras croisés à contempler son pays s’isoler de plus en plus de la scène internationale. Il portera hors de nos frontières la voix des travailleurs algériens lors de forums internationaux et de rencontres intersyndicales. Il mena avec ses compagnons de l’UGTA un autre combat sur la scène syndicale internationale pour démanteler l’embargo que subissait l’Algérie et par-delà sensibiliser l’opinion internationale sur la nature et les ambitions de l’intégrisme islamiste et la justesse du combat de l’Algérie.

    Entre autres, l’UGTA soumit un mémorandum à l’appréciation des organisations syndicales internationales et s’acquitta ainsi du devoir d’information sur la crise affectant l’Algérie qui vivait une véritable tragédie faite de graves atteintes aux principes et valeurs universelles, des droits de l’homme, des femmes et des enfants, et du droit à la vie par le fait d’assassinats inqualifiables. Le dialogue auquel a appelé l’UGTA dans ce mémorandum n’est aucunement un appel à l’ingérence étrangère.

    L’UGTA a appelé les syndicats démocratiques de tous les pays, les unions et confédérations régionales et internationales à agir pour que la 82ème session de la conférence internationale du travail :

    • Organise un meeting de solidarité avec les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs Algériens ;
    • Autorise et appuie une exposition qui rendra compte des méfaits de l’intolérance et du terrorisme intégristes.

    Le texte complet du mémorandum est disponible sur ce lien (memorandum).